Un modèle clé en main pour électrifier le « dernier kilomètre »
Convertir rapidement une flotte de camions ou d’autobus à la propulsion électrique contre un simple abonnement mensuel, sans aucun investissement : c’est l’idée derrière 7Gen, qui accompagne déjà plusieurs transporteurs québécois dans leur décarbonisation, particulièrement sur les itinéraires urbains. Sa vision porteuse a convaincu plusieurs investisseurs, dont le Fonds de solidarité FTQ qui est devenu partenaire à la fin 2021.

Choisir un modèle de camion, bâtir une station de recharge, connecter et gérer les bornes, optimiser les itinéraires, assurer l’entretien et les réparations : il y a beaucoup de tâches à effectuer et d’expertises à maîtriser lorsque l’on souhaite convertir une flotte à l’électrique. C’est sans compter l’aspect financier, puisque ces véhicules coûtent plus cher que les modèles au diesel. Certes, les économies d’énergie permettent d’amortir le surcoût en trois à cinq ans, mais il faut bien investir du capital au départ.
C’est précisément ce qui préoccupait un opérateur d’autobus britanno-colombien quand, en 2019, il a croisé la route de l’entrepreneur Frans Tjallingii. Celui-ci cherchait de nouvelles aventures après avoir porté à maturité une entreprise de recyclage de pneus de véhicules miniers, et une société d’édition de logiciels avant cela. Ce fut le déclic.
« L’opérateur avait déjà acheté trois bus, mais il voulait en électrifier 80 en tout, et les prêteurs traditionnels ne voulaient pas l’accompagner. Il se demandait aussi comment gérer l’infrastructure de recharge. Il était évident que la solution était de lui retirer le poids des épaules au moyen d’un service clé en main », dit M. Tjallingii, dans un français impeccable qui lui reste d’une vie précédente en Afrique.
Trois ans plus tard, l’expertise de 7Gen a déjà appuyé plusieurs opérateurs de flottes à Vancouver, Toronto et Montréal, particulièrement dans le marché de la livraison du « dernier kilomètre » où les itinéraires courts et les pauses nocturnes justifient le choix de la propulsion électrique. Par exemple, dix camions loués à 7Gen par le transporteur GoBolt sillonnent les rues des trois villes aux couleurs d’Ikea.
« Ikea a pour objectif d’effectuer des livraisons 100 % électriques d’ici 2024. C’est un souhait répandu dans le marché du dernier kilomètre, car une flotte électrique coûte jusqu’à 60 % moins cher à l’entretien, et 40 % moins en énergie en prenant en compte la mise en place de l’infrastructure. Et au-delà des critères financiers, la décarbonisation génère de nouvelles occasions d’affaires », indique Frans Tjallingii.
Changer de paradigme
Avec l’approche clé en main de 7Gen, le passage à l’électrique est rentable dès la première mensualité. Les contrats s’étalent sur cinq à huit ans. En fonction des itinéraires et applications, plusieurs véhicules sont proposés parmi ceux de Lion, Volvo, Kenworth, Ford, GM et d’autres.Même chose du côté des bornes de recharge.
Le modèle des flottes en location est déjà bien répandu pour les camions au diesel, mais le passage à l’électrique impose un changement de paradigme qui est particulièrement délicat quand vient le temps de trouver du financement, souligne M. Tjallingii.
« Les institutions financières traditionnelles sont plus timides car il est difficile d’évaluer la valeur résiduelle, et parce que les dépenses d’ingénierie et d’infrastructure pour installer les bornes ne sont pas récupérables. C’est souvent un enjeu pour nos clients. »
D’où le partenariat avec le Fonds de solidarité FTQ. À titre d’investisseur d’impact, le Fonds est engagé dans le développement durable et s’est donné pour objectif d’atteindre d’ici 5 ans 12 milliards de dollars en actifs reliés au développement durable, dans des secteurs qui incluent l’efficacité énergétique, la valorisation des matières résiduelles, et les transports intelligents. C’est dans ce dernier axe que s’inscrivait la participation du Fonds, en juin dernier, à la clôture d’une ronde de financement de 8 millions dans 7Gen (en collaboration avec Siemens Financial Services).
« Nous voulons contribuer à l’électrification des transports dans une perspective environnementale, mais notre mission est aussi de produire des retombées économiques pour le Québec », explique Dany Sarrazin-Sullivan, directeur de secteur, capital structurant, énergie et environnement au Fonds. « Avec 7Gen, on se retrouve à la fois à soutenir la décarbonisation et à pousser des entreprises d’ici, tels que des fabricants d’équipements et de véhicules, lorsque leur offre est la mieux adaptée aux besoins des transporteurs. »
Les petites entreprises montrent la voie
Outre des détaillants comme Ikea, la solution de 7Gen fait des adeptes parmi les plus petits. Il y a par exemple Packmat, de Saint-Jean-sur-Richelieu, qui dessert les éco-centres avec un camion Lion muni d’un bras à propulsion électrique pour compresser le contenu des bacs à déchets. Leurs interventions permettent de réduire le nombre d’aller-retour au centre de traitement de déchets, et donc les émissions. On peut citer aussi Courant Plus, qui effectue des livraisons zéro émission à Montréal ; l’entreprise est passée des vélos électriques aux camionnettes Ford E-Transit avec l’aide de 7Gen, et s’apprête maintenant à étendre son parc de véhicules électriques avec un premier gros porteur.
« C’est par ce type d’entreprise que s’amorce peu à peu la transition de toute notre économie », croit Frédéric Bel, vice-président au marketing et au développement des affaires pour 7Gen. « Oui, ce sont les grands transporteurs qui auront le plus d’impact au final, mais ce sont aussi eux qui bougent le moins vite. Il y a encore des enjeux de disponibilité des camions, car ils viennent d’entrer en production. Mais notre modèle d’affaires nous permet de prendre les devants aux côtés de transporteurs de toutes tailles, car quand la transition va démarrer pour de bon, elle ira très vite. »