Les défis de conception d’un véhicule minier 100 % électrique de 40 tonnes pour les mines à ciel ouvert
L’industrie minière fait face à des défis environnementaux et économiques croissants et la transition vers des solutions plus durables est devenue une nécessité. Dans ce contexte, l’électrification des véhicules miniers apparaît comme une solution prometteuse. Pour évaluer si cette technologie est prête à être déployée à grande échelle, nous avons discuté avec trois partenaires impliqués de près dans la réalisation du premier véhicule minier 100 % électrique de 40 tonnes pour les mines à ciel ouvert et de son essai lors de tests sur le terrain : Eddy Zuppel, chef de programme, Transports propres et écoénergétiques et Guillaume Imbleau-Chagnon, gestionnaire de projet principal, au Conseil national de recherches du Canada (CNRC), Désirée Tremblay, responsable de l’innovation et de la stratégie financière chez Dana TM4 et Jérémi Fournier, président de L. Fournier & Fils.
Partenariats et implications
Les partenaires impliqués sur le projet de développement d’un véhicule minier québécois 100 % électrique ont tous souhaité s’impliquer dès le départ, et ce, pour différentes raisons. Eddy Zuppel du CNRC, détaille leur contribution : « Il était important, en amont du projet, de modéliser et simuler le circuit du véhicule pour comprendre ses besoins énergétiques et concevoir un bloc batterie optimal. Nous avons également testé les modules de batterie pour assurer leur performance et sécurité, et réalisé une analyse du cycle de vie pour évaluer la réduction potentielle des émissions de gaz à effet de serre (GES). »
Quant à L. Fournier & Fils, Jérémi Fournier partage la vision de son entreprise : « Nous sommes l’un des plus grands entrepreneurs miniers dans l’Est du Canada. En tant que partenaire, nous avons fourni une plateforme de camion diesel pour la conversion électrique. Nous avons également partagé des données opérationnelles historiques pour comparer les performances. Notre objectif est de réduire l’empreinte carbone de nos opérations tout en augmentant l’efficacité. »
Désirée Tremblay explique que, Dana TM4, spécialisée dans la fabrication de systèmes de propulsion électrique pour divers véhicules, y compris les véhicules hors route, a fourni un moteur électrique haute puissance pour ce projet. « Nous avons collaboré étroitement avec l’Institut du Véhicule Innovant (IVI), également partenaire sur ce projet, au niveau de l’intégration du moteur dans la transmission existante du camion, en assurant qu’il puisse résister aux vibrations élevées caractéristiques des routes minières. »
Des perspectives intéressantes malgré les défis rencontrés
Guillaume Imbleau-Chagnon, du CNRC, précise que les modélisations et simulations ont permis de dimensionner correctement le bloc batterie. Cependant, les données précises seront disponibles cet été, et elles aideront à concevoir de nouveaux camions électriques ou à assister les opérateurs miniers dans leurs besoins énergétiques. Dans tout le processus de développement du véhicule minier électrique, les partenaires interrogés ont fait face à plusieurs défis lors de la conception et de la fabrication du véhicule. Eddy Zuppel du CNRC souligne les problèmes d’approvisionnement en cellules de batterie pour le véhicule prototype, adaptées aux véhicules hors route, alors que son collègue Guillaume Imbleau-Chagnon mentionne les limitations des sites de test. « Nous n’avons pas pu tester le chargeur haute puissance, ce qui a restreint nos données sur la recharge du véhicule. » En effet le chargeur sera testé plus tard sur un autre site minier. Du côté de Dana TM4, Désirée Tremblay souligne que la robustesse du système de roulement était cruciale. « Nous avons utilisé des roulements en céramique et fer, capables de résister aux décharges électriques partielles. » les essais sur le terrain sont terminés et que les conclusions seront bientôt partagées.
Perspectives et innovations
Les perspectives pour les véhicules miniers électriques sont prometteuses. Jérémi Fournier est optimiste : « Si les tests confirment que les cycles de charge et d’autonomie répondent aux besoins, cette technologie représente l’avenir de l’industrie minière. » Désirée Tremblay et Eddy Zuppel insistent sur l’importance de l’adaptation technologique. « Chaque site minier est unique, donc les véhicules doivent être adaptés spécifiquement à leurs conditions d’utilisation, » explique Désirée. Eddy ajoute que les avantages opérationnels, comme la réduction des vibrations et du bruit, peuvent améliorer la sécurité et la satisfaction des opérateurs.
Les experts anticipent toutefois des améliorations continues. « Les coûts des batteries continuent de baisser, leur sécurité augmente et l’efficacité des systèmes s’améliore. Ces progrès rendront les véhicules électriques de plus en plus attrayants » estime Eddy Zuppel. La transition vers des solutions plus durables nécessite une planification minutieuse. Jérémi Fournier souligne la nécessité de standardiser certains aspects pour réduire les coûts et simplifier la logistique, tels que les blocs batterie et les infrastructures de recharge. Guillaume Imbleau-Chagnon imagine quant à lui des plateformes modulables, permettant une flexibilité adaptée aux besoins spécifiques de chaque opération minière.
En conclusion, bien que des défis subsistent, les partenaires sont convaincus que la technologie des véhicules miniers électriques est en bonne voie pour transformer l’industrie. Les tests en cours et les innovations futures joueront un rôle crucial dans cette transition. Les résultats préliminaires montrent que ces véhicules peuvent non seulement répondre aux exigences opérationnelles, mais aussi offrir des avantages significatifs en termes de durabilité et de performance. Le futur des mines électrifiées semble prometteur, avec un potentiel de réduction des coûts, d’amélioration de la sécurité, et de diminution des émissions de GES.
À propos des partenaires
Conseil national de recherches du Canada (CNRC)
Le CNRC s’associe à l’industrie canadienne pour sortir la recherche du laboratoire et lui trouver des applications commerciales dont les retombées bénéficieront à l’ensemble de la population.
Dana TM4
Dana TM4 est une coentreprise de Dana Incorporated et Hydro-Québec. Dana TM4 développe et fabrique des moteurs électriques, générateurs, électronique de puissance et systèmes de contrôle de haut et bas voltage pour les marchés des véhicules commerciaux, passagers, de sports ou de loisirs ainsi que pour les secteurs maritimes, ferroviaires et miniers.
Dana TM4 contribue aux plus hautes efficacités possibles de conversion d’énergie grâce à son expertise en moteurs à aimants permanents, en gestion thermique, en bobinage, en topologie de rotor externe et en algorithmes de contrôle.
L. Fournier & Fils
Entrepreneur minier d’envergure dans l’Est du Canada, L. Fournier & Fils offre une gamme intégrée de produits et services de haute qualité, de manière à répondre efficacement aux besoins évolutifs de ses clients. Ses activités sont principalement concentrées dans les travaux miniers de surface, notamment dans les secteurs de l’excavation de masse, du coffrage et du bétonnage, du concassage, ainsi que du transport.
Ce projet est une initiative de l’Institut du véhicule innovant, réalisé avec Propulsion Québec, impliquant Adria Power Systems, Dana TM4, Fournier & Fils et Nouveau Monde Graphite comme partenaires industriels ainsi que le Conseil national de recherches Canada (CNRC) et CANMETMines comme partenaires de recherche. Le projet est réalisé grâce à la participation financière du Programme d’innovation et croissance propre dans les secteurs des ressources naturelles, du programme Innov-R et du programme d’appui à la recherche et à l’innovation du domaine minier (PARIDM). Le projet reçoit également une contribution financière du Fonds d’initiatives du Plan Nord et du Programme d’aide à la recherche industrielle (PARI).
Nous souhaitons aussi remercier Uniroc pour nous avoir accueilli pour les essais terrain.
Crédit photos : Sylvie Trépanier.