Électrification des transports – Des défis, mais aussi des opportunités

par Anthony Mainville, Président, Attrix - Partenaire intégrateur Géotab
Électrification des transports – Des défis, mais aussi des opportunités

J’ai eu le plaisir de participer à une discussion fort intéressante sur les défis de l’électrification du transport de marchandises, dans le cadre d’Impulsion Montréal en septembre, en compagnie de Victor Poudelet, directeur, Projet Cité de la mobilité durable à Propulsion Québec. Ces défis sont de taille. Analyse approfondie de l’utilisation réelle des véhicules d’une flotte, évaluation des changements à apporter dans la gestion des actifs et des routes, sans compter toute la question des infrastructures de recharge et l’implantation de nouveaux programmes d’entretien.

Toutefois, ces défis s’accompagnent d’une kyrielle d’opportunités à bien des niveaux. Et alors qu’on qualifie souvent l’accumulation d’obstacles de tempête parfaite, j’oserais avancer que dans le cas de l’électrification des transports, il y aurait tout lieu de parler d’un lever de soleil tout aussi parfait.

Tout d’abord, pour que le développement et la transition vers les camions de poids moyen et lourd soit viable sur le plan commercial, il est essentiel d’avoir en main des données probantes et étoffées, tant sur les performances réelles des véhicules offerts par les différents fabricants que sur les routes régulières des transporteurs et la demande énergétique pour effectuer des livraisons données.  Or, grâce au développement de la télématique au cours des dernières années, ces données et informations pointues sont maintenant disponibles, et participent déjà aux différents projets d’analyses, comme le Run on Less Electric piloté par le North American Council for Freight Efficience (NACFE). Ce tout nouveau volet électrique programme de réduction de consommation énergétique du NACFE, instauré pour la première fois cette année, permet d’évaluer les performances de plusieurs camions électriques de différents fabricants, dans des conditions réelles d’opération. Et la technologie utilisée pour mesurer les indicateurs clés de performance nous est plutôt familière, chez AttriX.

Mais au-delà des technologies, il y a aussi le gens. Et c’est probablement ici que l’électrification des transports devient un atout bien plus qu’une embûche. Bien avant d’autres sphères de l’économie, l’industrie du camionnage a été lourdement affectée par la rareté de la main-d’œuvre. Cette pénurie est particulièrement criante du côté des conducteurs de camions et du personnel d’entretien. Pour pallier ce besoin, les transporteurs se tournent vers différentes solutions, mais visent spécifiquement à rehausser l’image d’une industrie souvent perçue comme très polluante et même archaïque par la jeune génération. Autre source de main-d’œuvre recherchée par le camionnage, les femmes, de plus en plus nombreuses à adopter le métier de conductrice de poids lourd.

Tant chez les jeunes que du côté des femmes, les trop longues heures de travail et les horaires difficiles à gérer pour ceux qui ont des enfants à la maison constituent un des principaux freins au recrutement. Les changements importants que devront opérer les transporteurs dans la gestion des routes avec l’électrification de leurs flottes, en découpant de longues routes en segments plus courts, viendront par le fait même régler, en partie, cette problématique d’horaires difficiles à gérer ou trop exigeants pour les conducteurs et conductrices. L’électrification devient donc un moyen de stimuler le recrutement.

Plus encore, et nous avons pu le constater lors de nos milliers d’heures de formation des conducteurs et conductrices aux nouvelles technologies comme le dispositif électronique de consignation des heures de conduite, la jeune génération est friande de ces nouvelles technologies. Les transporteurs ayant bien intégrer les nouvelles technologies de répartition grâce à la télématique ont bien vu l’engouement de ces jeunes.

Ceux et celles qui ont suivi l’évolution des camions lourds durant ces dernières années ont aussi constaté l’arrivée massive de nouvelles technologies dans les véhicules mêmes. Transmissions automatisées, tableau de bord entièrement numérique, systèmes de mitigation de collision et de surveillance des points morts, les camions d’aujourd’hui sont tout aussi high-tech que la plupart de nos voitures.

L’électrification des camions lourds n’est en fait que le prolongement de cette tendance, qui mène inéluctablement vers de profonds changements dans les véhicules, la façon de les conduire, d’en faire l’entretien et d’en tirer profit.  De « trucker », les nouveaux camionneurs deviendront des opérateurs d’équipements de transport écologique à la fine pointe de la technologie. Pas mal plus vendeur dans une campagne de recrutement.

À cela, il faut ajouter les nombreux clients expéditeurs et destinataires des transporteurs qui demandent dans leurs cahiers de charges des informations spécifiques quant à l’empreinte carbone de leurs fournisseurs de service. Les géants du commerce au détail sont d’ailleurs parmi les premiers à adopter les solutions électrifiées pour leurs propres flottes, et incluent déjà des critères de développement durable dans leurs ententes avec leurs partenaires d’affaires. Quant aux villes et municipalités, nous savons tous que ce n’est qu’une question de temps avant qu’elles instaurent des zones « zéro émission » sur leur territoire.

Bref, sans pour autant nier les nombreux défis que représente une transition réussie de l’électrification du transport de marchandises, il serait souhaitable d’adopter une approche plus positive, axée sur les bénéfices qui vont bien au-delà des impacts environnementaux et de la réduction des coûts en énergie. Certains l’ont déjà compris et n’hésitent pas à faire la promotion de leur virage vert. Et inévitablement, d’autres suivront.