Jakarto a tiré la carte du succès

Monsieur Laroche, vous êtes PDG de Jakarto, une entreprise québécoise de cartographie clés en main qui a développé un logiciel d’exploration et de mesure du paysage urbain novateur et avant-gardiste.
Parlez-nous un peu de votre entreprise et des services qu’elle offre.
Jakarto est une entreprise de cartographie haute définition. Notre procédé permet la numérisation en trois dimensions (3D) d’un lieu donné, par exemple une municipalité ou un réseau routier. Jumelé à la localisation GPS, cela permet une représentation fidèle, à quelques centimètres près, d’un territoire physique. Nous produisons ce que l’on appelle un «Digital Twin».
La captation des données est faite à l’aide de véhicules munis de cinq caméras à ultra haute définition et de deux scanneurs de haute précision Lidar, afin de déterminer le plus finement possible la distance entre les objets. Les données ainsi recueillies sont traitées par des algorithmes d’intelligence artificielle permettant la reconnaissance des objets physiques.
Jakarto prévoit minimalement un passage par année sur chacune des rues d’une municipalité. Dans le cas de travaux ou d’un autre indicateur de changement, d’autres passages sont ajoutés.
Vous occupiez auparavant un poste de haute direction dans une entreprise florissante. Pourquoi avez-vous décidé de vous lancer dans le domaine de la cartographie et de la mobilité intelligente?
L’idée de fonder Jakarto a jailli il y a deux ans. L’élaboration de ce nouveau projet a commencé avec les ressources de JLR, l’entreprise pour laquelle je travaillais depuis 20 ans. Le potentiel du projet, mais surtout l’ampleur de la tâche, sont rapidement apparus. J’ai donc décidé de m’y consacrer à temps plein et de céder la place de PDG à mon partenaire.
Démarrer une compagnie de zéro, c’est un incroyable défi personnel. Il faut bâtir un nouvel écosystème et recréer son réseau de contacts, mais c’est très stimulant! Deux ans plus tard, nous avons déjà recruté huit employés.
De quelle façon une jeune entreprise de taille modeste comme Jakarto se démarque-t-elle des géants présents dans l’écosystème de la cartographie, qu’on pense à Google ou à Apple?
Le degré de précision de nos données est le meilleur sur la planète à l’heure actuelle. Google et Apple ne font pas encore de cartographie en trois dimensions. Apple a commencé à développer des unités de captation semblables aux nôtres, mais l’équipement qu’ils utilisent est moins performant et, donc, moins précis.
De plus, ces gros joueurs s’adressent surtout à un marché de masse. De notre côté, nous visons une clientèle plus nichée. Jakarto livrera par exemple des cartes 3D à une vingtaine de villes dans les prochaines semaines. Nos vrais compétiteurs sont des entreprises comme le groupe néerlandais TomTom ou la compagnie de cartographie Here. Mais nous sommes assurément en train de faire notre place sur le marché.
La cartographie 3D, c’est important pour le développement de la mobilité intelligente?
Mettez ensemble une cartographie 3D ultra précise intégrée aux systèmes de navigation, complétez par des caméras de très haute précision et des algorithmes d’intelligence artificielle pour reconnaître la signalisation, et voilà votre véhicule autonome!
Les représentations 3D du réseau routier, comme les algorithmes de reconnaissance de la signalisation que nous développons, sont des innovations essentielles pour l’essor de la conduite autonome. Je pense que, dans un futur proche, la cartographie sera intégrée aux systèmes de communication entre les véhicules et le mobilier urbain, par exemple un lampadaire ou une signalisation d’arrêt. Pour permettre l’actualisation de la carte d’un territoire en temps réel, les données seront idéalement chargées de façon automatique dans les systèmes de navigation quand les véhicules passeront près des stations prévues à cet effet.
Quels défis doivent encore être relevés en cartographie 3D, en ce qui concerne la mobilité intelligente et la conduite autonome?
Il faut perfectionner nos algorithmes de reconnaissance de la signalisation. Six ou sept classes de masses physiques, comme les piétons, les voitures et le mobilier urbain, peuvent déjà être identifiées par nos robots. On veut cependant arriver à l’identification de beaucoup plus d’éléments, comme les lignes de marquage, les voies réservées, etc.
Mais notre plus gros défi, à court terme, demeure la capacité à faire du volume. C’est facile de gérer les données recueillies sur 10 km de route, mais la tâche est beaucoup plus complexe quand on veut cartographier des centaines de milliers de kilomètres! On rencontre alors des problèmes d’hébergement, de diffusion et de compression de l’information.
Quelles sont vos priorités pour les prochaines années?
Beaucoup de projets sont en cours, actuellement. D’ailleurs, une unité de captation partira bientôt cartographier l’ensemble de l’autoroute transcanadienne et rendra publiques les données recueillies. Je pense que ça va faire du bruit!
Nous avons quelques projets avec l’Université Laval, dont la participation au concours des Villes intelligentes du Canada.
Des bureaux seront ouverts dans les prochaines semaines à Waterloo. Nous y développerons des cartes en partenariat avec l’université de cette ville.
Des discussions sont en cours avec un constructeur automobile pour fournir la cartographie du Canada, et peut-être même de toute l’Amérique du Nord. C’est très emballant!
Le jeu vidéo est un marché qui semble aussi très prometteur et que nous aimerions éventuellement pénétrer. Le logiciel que nous utilisons pour la visualisation des cartes est d’ailleurs le même que celui qu’utilisent plusieurs développeurs de jeux vidéos.
Bref, ce ne sont pas les perspectives qui manquent! On ne chôme pas chez Jakarto!